Ma famille disparaît.
Mon père d’abord en 2010, mon frère en 2021.
Ma petite sœur se meurt lentement mais sûrement.

Ma mère est le pilier de ma famille, la mémoire aussi, car souvent la mienne me fait défaut.
Un lien fort nous unit, une complicité et une liberté de parler de tout ou presque, la certitude de se savoir aimée.

Et pourtant, depuis mon adolescence, une coupure émotionnelle et physique s’est opérée entre nous.
Je me suis protégée de ses dépressions, de son angoisse, de son envahissement affectif, de toute la charge mentale que représente prendre soin de cette famille.
Je m’en protège toujours.

A cause de cela, manifester mon amour pour ma mère, particulièrement physiquement, m’est difficile.
Bien trop souvent, la maladie et la mort prennent toute la place.

Créer avec elle, par des portraits et des autoportraits notamment, est une manière de réinventer cette connexion interrompue, conjurer mon armure avant qu’il ne soit trop tard. Nous regarder côte à côte pour trouver nos ressemblances.

Cela tisse entre nous un nouveau lien, une pulsion de vie qui réenchante mon regard sur ma mère comme femme en apprenant à la connaître en dehors d’un quotidien trop souvent douloureux.

Ce travail est en cours depuis 2022.